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tuites de jeunes gens aussi dépourvus de talent que de science acquise, la presse de recommencer ses incursions contre le pouvoir, l’accusant, non sans raison du reste, ici de favoritisme, là de routine.

Qui pourrait se flatter de jamais rien faire au gré de la presse ! Après avoir déclamé et gesticulé contre l’énormité du budget, la voici qui réclame des augmentations de traitement pour une armée de fonctionnaires qui, à vrai dire, n’ont réellement pas de quoi vivre. Tantôt c’est l’enseignement, haut et bas, qui par elle fait entendre ses plaintes ; tantôt c’est le clergé de campagnes, si médiocrement rétribué, qu’il a été forcé de conserver son casuel, source féconde de scandales et d’abus. Puis, c’est toute la nation administrative, laquelle n’est ni logée, ni vêtue, ni chauffée, ni nourrie : c’est un million d’hommes avec leurs familles, près du huitième de la population, dont la pauvreté fait honte à la France, et pour lesquels il faudrait, du premier mot, augmenter le budget de 500 millions. Notez que dans cet immense personnel pas un homme n’est de trop ; au contraire, si la population vient à s’accroître, il augmentera proportionnellement. Êtes-vous en mesure de lever sur la nation 2 milliards d’impôt ? Pouvez-vous prendre, sur une moyenne de 920 fr. de revenu pour quatre personnes, 236 fr., plus du quart, pour payer, avec les autres frais de l’état, les appointements des improductifs ? Et si vous ne le pouvez pas, si vous ne pouvez ni solder vos dépenses ni les réduire, que réclamez-vous ? de quoi vous plaignez-vous ?

Que le peuple le sache donc une fois : toutes les espérances de réduction et d’équité dans l’impôt dont le bercent tour à tour les harangues du pouvoir et les diatribes des hommes de partis, sont autant de mystifications : ni l’impôt ne se peut réduire, ni la répartition n’en peut être équitable, sous le régime du monopole. Au contraire, plus la condition du citoyen s’abaisse, plus la contribution lui devient lourde : cela est fatal, irrésistible, malgré le dessein avoué du législateur et les efforts réitérés du fisc. Quiconque ne peut devenir ou se conserver opulent, quiconque est entré dans la caverne de l’infortune, doit se résigner à payer en proportion de sa misère : Lasciate ogni speranza, voi ch’ entrate.