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mais au-dessous duquel il y a perte pour le producteur. Ceci ressemble singulièrement à la détermination de la valeur que les économistes rejettent, et à propos de laquelle nous disions : Il est une force secrète qui fixe les limites extrêmes entre lesquelles la valeur oscille ; donc il y a un terme moyen qui exprime la valeur juste.

Personne assurément ne veut que le service des postes se fasse à perte ; l’opinion est donc que ce service doit être fait à prix coûtant. Cela est d’une simplicité si rudimentaire, qu’on est étonné qu’il ait fallu se livrer à une enquête laborieuse sur les résultats du dégrèvement des ports de lettres en Angleterre ; entasser des chiffres effrayants et des probabilités à perte de vue, se mettre l’esprit à la torture, le tout pour savoir si le dégrèvement en France amènerait un boni ou un déficit, et finalement pour ne se pouvoir mettre d’accord sur rien. Comment ! il ne s’est pas trouvé un homme de bon sens pour dire à la chambre : Pas n’est besoin d’un rapport d’ambassadeur ni des exemples de l’Angleterre : il faut réduire graduellement le port des lettres, jusqu’à ce que la recette arrive au niveau de la dépense[1] ! Où donc s’en est allé notre vieil esprit gaulois ?

Mais, dira-t-on, si l’impôt livrait au prix coûtant le sel, le tabac, le port des lettres, le sucre, les vins, la viande, etc., la consommation augmenterait sans doute, et l’amélioration serait énorme ; mais alors avec quoi l’état couvrirait-il ses dépenses ? La somme des contributions indirectes est de près de 600 millions : sur quoi voulez-vous que l’état perçoive cet impôt ? Si le fisc ne gagne rien sur les postes, il faudra augmenter le sel ; si l’on dégrève encore le sel, il faudra tout reporter sur les boissons ; cette kyrielle n’aurait pas de fin. Donc, la livraison à prix coûtant des produits, soit de l’état, soit de l’industrie privée, est impossible.

Donc, répliquerai-je à mon tour, le soulagement des classes malheureuses par l’état est impossible, comme la loi

  1. Grâce au ciel, le ministre a tranché la question, et je lui en fais mon compliment bien sincère. D’après le tarif proposé, le port des lettres serait réduit à 10 c. pour les distances de 1 à 20 kilomètres ; — 20 c. de 20 à 40 kil. ; — 30 c. de 40 à 120 kil. ; — 40 c. de 120 à 360 kil. ; — 50 c. pour les distances supérieures.