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Ils ont attaqué l’impôt proportionnel non-seulement dans son principe, mais dans son application ; ils en ont relevé les anomalies, qui, presque toutes, proviennent de ce que le rapport du capital au revenu, ou de la surface cultivée à la rente, n’est jamais fixe.

« Soit une contribution d’un dixième sur le revenu des terres, et des terres de différentes qualités produisant, la première 8 fr. de blé, la seconde 6 fr., la troisième 5 fr. : l’impôt demandera un huitième de revenu à la terre la plus féconde, un sixième à celle qui l’est un peu moins, enfin un cinquième à celle qui l’est encore moins. L’impôt ne sera-t-il pas établi en sens inverse de ce qu’il devrait être ? — Au lieu des terres, on peut supposer les autres instruments de production, et comparer des capitaux de même valeur ou des quantités de travail de même ordre, appliquées à des branches d’industrie d’une productivité différente : la conclusion sera la même. Il y a injustice à demander une capitation égale de 10 fr. à l’ouvrier qui gagne 1,000 fr., et à l’artiste ou au médecin qui se fait 60,000 liv. de rente. » (J. Garnier, Principes d’économie politique.)

Ces réflexions sont fort justes, bien qu’elles ne tombent que sur la perception ou l’assiette, et n’atteignent pas le principe même de l’impôt. Car, en supposant la répartition faite sur le revenu, au lieu de l’être sur le capital, il reste toujours ceci que l’impôt, qui devrait être proportionnel aux fortunes, est à la charge du consommateur.

Les économistes ont franchi le pas : ils ont reconnu hautement que l’impôt proportionnel était inique.

« L’impôt, dit Say, ne peut jamais être levé sur le nécessaire. » — Cet auteur, il est vrai, ne définit pas ce que l’on doit entendre par le nécessaire : mais nous pouvons suppléer à cette omission. Le nécessaire est ce qui revient à chaque individu sur le produit total du pays, déduction faite de ce qui doit être prélevé pour l’impôt. Ainsi, pour compter en nombres ronds, la production en France étant de huit milliards, et l’impôt d’un milliard, le nécessaire de chaque individu, par jour, est de 56 centimes et demi. Tout ce qui dépasse ce revenu est seul susceptible d’être taxé, d’après J. B. Say ; tout ce qui est au-dessous doit rester sacré pour le fisc.