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En deux mots, le but pratique et avoué de l’impôt est d’exercer sur les riches, au profit du peuple, une reprise proportionnelle au capital.

Or, l’analyse et les faits démontrent,

Que l’impôt de répartition, l’impôt du monopole, au lieu d’être payé par ceux qui possèdent, l’est presque tout entier par ceux qui ne possèdent pas :

Que l’impôt de quotité, séparant le producteur du consommateur, frappe uniquement sur ce dernier, ce qui ne laisse au capitaliste que la part qu’il aurait à payer, si les fortunes étaient absolument égales ;

Enfin que l’armée, les tribunaux, la police, les écoles, les hôpitaux, hospices, maisons de refuge et de correction, les emplois publics, la religion elle-même, tout ce que la société crée pour la défense, l’émancipation et le soulagement du prolétaire, payé d’abord et entretenu par le prolétaire, est dirigé ensuite contre le prolétaire ou perdu pour lui ; en sorte que le prolétariat, qui d’abord ne travaillait que pour la caste qui le dévore, celle des capitalistes, doit travailler encore pour la caste qui le flagelle, celle des improductifs.

Ces faits sont désormais si connus, et les économistes, je leur dois cette justice, les ont exposés avec une telle évidence, que je m’abstiendrai de reprendre en sous-œuvre leurs démonstrations, qui, du reste, ne trouvent plus de contradicteurs. Ce que je me propose de mettre en lumière, et que les économistes ne me semblent pas suffisamment avoir compris, c’est que la condition faite au travailleur par cette nouvelle phase de l’économie sociale n’est susceptible d’aucune amélioration ; que, hormis le cas où l’organisation industrielle, et par suite la réforme politique, amènerait l’égalité des fortunes, le mal est inhérent aux institutions de police comme la pensée de charité qui leur a donné naissance ; enfin que l’état, quelque forme qu’il affecte, aristocratique ou théocratique, monarchique ou républicaine, aussi longtemps qu’il ne sera pas devenu l’organe obéissant et soumis d’une société d’égaux, sera pour le peuple un inévitable enfer, j’ai presque dit une damnation légitime.