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dont l’auteur pourrait bien être envoyé à Bicêtre, à supposer que les magistrats consentissent à ne le regarder que comme fou.

Et pourtant il est avéré, par tout ce que l’histoire et l’économie sociale offrent de plus authentique, que l’humanité a été jetée nue et sans capital sur la terre qu’elle exploite ; conséquemment, que c’est elle qui a créé et qui crée tous les jours toute richesse ; que le monopole en elle n’est qu’une vue relative servant à désigner le grade du travailleur avec certaines conditions de jouissance, et que tout le progrès consiste, en multipliant indéfiniment les produits, à en déterminer la proportionnalité, c’est-à-dire à organiser le travail et le bien-être par la division, les machines, l’atelier, l’éducation et la concurrence. L’étude la plus approfondie des phénomènes n’aperçoit rien au delà. — D’autre part, il est évident que toutes les tendances de l’humanité, et dans sa politique, et dans ses lois civiles, sont à l’universalisation, c’est-à-dire à une transformation complète de l’idée de société, telle que nos codes la déterminent.

D’où je conclus qu’un acte de société qui réglerait, non plus l’apport des associés, puisque chaque associé, d’après la théorie économique, est censé ne posséder absolument rien à son entrée dans la société, mais les conditions du travail et de l’échange, et qui donnerait accès à tous ceux qui se présenteraient ; je conclus, dis-je, qu’un tel acte de société n’aurait rien que de rationnel et de scientifique, puisqu’il serait l’expression même du progrès, la formule organique du travail, puisqu’il révélerait pour ainsi dire l’humanité à elle-même, en lui donnant le rudiment de sa constitution.

Or, qui jamais, parmi les jurisconsultes et les économistes, s’est approché seulement à la distance de mille lieues de cette idée magnifique, et pourtant si simple ? « Je ne pense pas, dit M. Troplong, que l’esprit d’association soit appelé à de plus grandes destinées que celles qu’il a accomplies dans le passé et jusqu’à ce jour… ; et j’avoue que je n’ai rien tenté pour réaliser de telles espérances que je crois exagérées… Il existe de justes limites que l’association ne doit pas franchir. Non ! l’association n’est pas appelée en France à tout gouver-