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tion, a perverti jusqu’à l’idée d’association qui pouvait lui contrevenir, ou, pour mieux dire, il ne lui a pas permis de naître.

Qui pourrait se flatter aujourd’hui de définir ce que doit être la société entre des hommes ? La loi distingue deux espèces et quatre variétés de sociétés civiles, autant de sociétés de commerce, depuis le simple compte-à-demi jusqu’à l’anonyme. J’ai lu les commentaires les plus respectables que l’on ait écrits sur toutes ces formes d’association, et je déclare n’y avoir trouvé qu’une application des routines du monopole entre deux ou plusieurs coalisés qui joignent leurs capitaux et leurs efforts contre tout ce qui produit et qui consomme, qui invente et qui échange, qui vit et qui meurt. La condition sine quâ non de toutes ces sociétés est le capital, dont la présence seule les constitue et leur donne une base ; leur objet est le monopole, c’est-à-dire l’exclusion de tous autres travailleurs et capitalistes, par conséquent la négation de l’universalité sociale, quant aux personnes.

Ainsi, d’après la définition du Code, une société de commerce qui poserait en principe la faculté pour tout étranger d’en faire partie sur sa simple demande, et de jouir aussitôt des droits et prérogatives des associés, même gérants, ne serait plus une société ; les tribunaux en prononceraient d’office la dissolution, la non-existence. Ainsi encore, un acte de société dans lequel les contractants ne stipuleraient aucun apport, et qui, tout en réservant pour chacun le droit exprès de faire concurrence à tous, se bornerait à leur garantir réciproquement le travail et le salaire, sans parler ni de la spécialité de l’exploitation, ni des capitaux, ni des intérêts, ni des profits et pertes : un pareil acte semblerait contradictoire dans sa teneur, dépourvu d’objet autant que de raison, et serait, sur la plainte du premier associé réfractaire, annulé par le juge. Des conventions ainsi rédigées ne pourraient donner lieu à aucune action judiciaire : des gens qui se diraient associés de tout le monde seraient considérés comme ne l’étant de personne ; des écrits où l’on parlerait à la fois de garantie et de concurrence entre associés, sans aucune mention de fonds social et sans désignation d’objet, passeraient pour une œuvre de charlatanisme transcendental,