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me sans doute ; car on n’oserait dire à l’esprit, puisque ce serait admettre ce que l’on veut écarter. Sur quoi j’élève cette double question : qu’en savez-vous ? Et qu’est-ce que cela signifie ?

1° L’impénétrabilité, par laquelle on prétend définir la matière, n’est qu’une hypothèse de physiciens inattentifs, une conclusion grossière déduite d’un jugement superficiel. L’expérience montre dans la matière une divisibilité à l’infini, une dilatabilité à l’infini, une porosité sans limite assignable, une perméabilité à la chaleur, à l’électricité et au magnétisme, en même temps qu’une propriété de les retenir, indéfinies ; des affinités, des influences réciproques et des transformations sans nombre : toutes choses peu compatibles avec la donnée d’un aliquid impénétrable. L’élasticité, qui, mieux qu’aucune autre propriété de la matière, pouvait conduire, par l’idée de ressort ou résistance, à celle d’impénétrabilité, varie au gré de mille circonstances, et dépend entièrement de l’attraction moléculaire : or, quoi de plus inconciliable avec l’impénétrabilité que cette attraction ? Enfin il existe une science que l’on pourrait rigoureusement définir science de la pénétrabilité de la matière : c’est la chimie. En effet, en quoi ce que l’on nomme composition chimique diffère-t-il d’une pénétration[1]… bref, on ne connaît de la matière

  1. Les chimistes distinguent le mélange de la composition, de même que les logiciens distinguent l’association des idoles de leur synthèse. Il est vrai cependant que, d’après les chimistes, la composition ne serait encore qu’un mélange, ou plutôt une aggrégation, non plus fortuite, mais systématique des atomes, lesquels ne produiraient des composés divers que par la diversité de leur arrangement. Mais ce n’est encore là qu’une hypothèse tout à fait gratuite, une hypothèse qui n’explique rien, et n’a pas même le mérite d’être logique. Comment une différence purement numérique ou géométrique dans la composition et la forme de l’atome. engendre-t-elle des propriétés physiologiques si différentes ? Comment, si les atomes sont indivisibles et impénétrables, leur association, bornée à des effets mécaniques, ne les laisse-t-elle pas, quant à leur essence, inaltérables ? Où est ici le rapport entre la cause supposée et l’effet obtenu ?
      Délions-nous de notre optique intellectuelle : il en est des théories chimiques comme des systèmes de psychologie. L’entendement, pour se rendre compte des phénomènes, opère sur les atomes qu’il ne voit ni ne verra jamais, comme sur le moi qu’il n’aperçoit pas davantage z il applique à tout ses caté-