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comme d’après la nature du monopole toute entreprise doit rester aux risques et périls de l’entrepreneur, il s’ensuit que le produit net lui appartient au titre le plus sacré qui soit parmi les hommes, le travail et l’intelligence.

Il est inutile de rappeler que le produit net est souvent exagéré, soit par des réductions frauduleusement obtenues sur les salaires, soit de toute autre manière. Ce sont là des abus qui procèdent non du principe, mais de la cupidité humaine, et qui restent hors du domaine de la théorie. Du reste, j’ai fait voir, en traitant de la constitution de la valeur, ch. Il, § 2 : 1o comment le produit net ne saurait jamais dépasser la différence qui résulte de l’inégalité des moyens de production ; 2o comment le bénéfice, qui ressort pour la société de chaque invention nouvelle, est incomparablement plus grand que celui de l’entrepreneur. Je ne reviendrai point sur ces questions désormais épuisées : je remarquerai seulement que, par le progrès industriel, le produit net tend constamment à décroître pour l’industrieux, pendant que d’un autre côté le bien-être augmente, comme les couches concentriques qui composent la tige d’un arbre s’amincissent à mesure que l’arbre grossit, et qu’elles se trouvent plus éloignées du centre.

À côté du produit net, récompense naturelle du travailleur, j’ai signalé comme l’un des plus heureux effets du monopole, la capitalisation des valeurs, de laquelle naît une autre espèce de profit, savoir, l’intérêt ou loyer des capitaux. — Quant à la rente, bien qu’elle se confonde souvent avec l’intérêt ; bien que, dans le langage vulgaire, elle se résume, ainsi que le bénéfice et l’intérêt, dans l’expression commune de revenu, elle est autre chose que l’intérêt ; elle ne découle pas du monopole, mais de la propriété ; elle tient à une théorie spéciale, et nous en parlerons en son lieu.

Quelle est donc cette réalité, connue de tous les peuples, et cependant encore si mal définie, que l’on nomme intérêt ou prix du prêt, et qui donne lieu à la fiction de la productivité du capital ?

Tout le monde sait qu’un entrepreneur, lorsqu’il fait le compte de ses frais de production, les divise d’ordinaire en trois catégories : 1o les valeurs consommées et les services