Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En premier lieu, le rachat est impossible : toutes les valeurs étant monopolisées, où la société prendrait-elle de quoi indemniser les monopoleurs ? quelle serait son hypothèque ? D’autre part, le rachat serait parfaitement inutile : quand tous les monopoles auraient été rachetés, resterait à organiser l’industrie ; où est le système ? Sur quoi l’opinion est-elle fixée ? Quels problèmes ont été résolus ? Si l’organisation est en mode hiérarchique, nous rentrons dans le régime du monopole ; si elle est en mode démocratique, nous revenons au point de départ ; les industries rachetées tomberont dans le domaine public, c’est-à-dire dans la concurrence, et peu à peu redeviendront monopoles ; — enfin, si l’organisation est en mode communiste, nous n’aurons fait que passer d’une impossibilité dans une autre ; car, comme nous le démontrerons en son temps, la communauté, de même que la concurrence et le monopole, est antinomique, impossible.

Afin de ne point engager la fortune sociale dans une solidarité illimitée, et partant funeste, se contentera-t-on d’imposer des règles à l’esprit d’invention et d’entreprise ? Créera-t-on une censure pour les hommes de génie et pour les fous ? c’est supposer que la société connaît d’avance ce qu’il s’agit précisément de découvrir. Soumettre à un examen préalable les projets des entrepreneurs, c’est interdire à priori tout mouvement. Car, encore une fois, relativement au but qu’il se propose, il est un moment où chaque industriel représente dans sa personne la société elle-même, voit mieux et de plus loin que tous les autres hommes réunis, et cela, bien souvent, sans qu’il puisse seulement s’expliquer ni être compris. Lorsque Copernic, Kepler et Galilée, prédécesseurs de Newton, s’en vinrent dire à la société chrétienne, alors représentée par l’église : La bible s’est trompée ; la terre tourne, et le soleil est immobile ; ils avaient raison contre la société, qui, sur la foi des sens et des traditions, les démentait. La société aurait-elle donc pu accepter la solidarité du système copernicien ? Elle le pouvait si peu, que ce système contredisait ouvertement sa foi, et qu’en attendant l’accord de la raison et de la révélation, Galilée, un des inventeurs responsables, subit la torture en témoignage de l’idée nouvelle. Nous sommes plus tolérants, je le suppose ; mais cette