Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’état devra donc se mettre aux lieu et place des exploitants, faire leurs comptes de capital, d’intérêts, de frais de bureaux ; régler les salaires des mineurs, les appointements des ingénieurs et des directeurs, le prix des bois employés pour l’extraction, la dépense du matériel, et enfin déterminer le chiffre normal et légitime du bénéfice. Tout cela ne peut se faire par ordonnance ministérielle ; il faut une loi. Le législateur osera-t-il, pour une industrie spéciale, changer le droit public des Français, et mettre le pouvoir à la place de la propriété ? Alors de deux choses l’une : ou le commerce des houilles tombera aux mains de l’état ; ou bien l’état aura trouvé moyen de concilier pour l’industrie extractive la liberté et l’ordre, et dans ce cas les socialistes demandent que ce qui aura été exécuté sur un point, soit imité partout.

La coalition des mines de la Loire a posé la question sociale en des termes qui ne permettent plus de fuir. Ou la concurrence, c’est-à-dire le monopole et ce qui s’ensuit ; ou l’exploitation par l’état, c’est-à-dire la cherté du travail et l’appauvrissement continu ; ou bien enfin une solution égalitaire, en d’autres termes l’organisation du travail, ce qui emporte la négation de l’économie politique et la fin de la propriété.

Mais les économistes ne procèdent point avec cette brusque logique : ils aiment à marchander avec la nécessité. M. Dupin (séance de l’Académie des sciences morales et politiques du 10 juin 1843) exprime l’opinion que « si la concurrence peut être utile à l’intérieur, elle doit être empêchée de peuple à peuple. »

Empêcher ou laisser-faire, voilà l’éternelle alternative des économistes : leur génie ne va pas au delà. En vain on leur crie qu’il ne s’agit ni de rien empêcher ni de tout permettre ; que ce qu’on leur demande, ce que la société attend, est une conciliation : cette idée double n’entre pas dans leur cerveau.

« Il faut, réplique à M. Dupin M. Dunoyer, distinguer la théorie de la pratique. »

Mon Dieu ! chacun sait que M. Dunoyer, inflexible sur les principes dans ses ouvrages, est très-accommodant sur la pratique au conseil d’état. Mais qu’il daigne donc une fois