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fonctions les plus compréhensives, elle tend à se réaliser jusque dans les opérations inférieures du travail parcellaire.

Ici les communistes élèvent une objection. Il faut, disent-ils, distinguer en toute chose l’usage et l’abus. Il y a une concurrence utile, louable, morale, une concurrence qui agrandit le cœur et la pensée, une noble et généreuse concurrence, c’est l’émulation ; et pourquoi cette émulation n’aurait-elle pas pour objet l’avantage de tous ?… Il y a une autre concurrence, funeste, immorale, insociable ; une concurrence jalouse, qui hait et qui tue, c’est l’égoïsme.

Ainsi dit la communauté ; ainsi s’exprimait, il y a près d’un an, dans sa profession de foi sociale, le journal la Réforme.

Quelque répugnance que j’éprouve à faire de l’opposition à des hommes dont les idées sont au fond les miennes, je ne puis accepter une pareille dialectique. La Réforme, en croyant tout concilier par une distinction plus grammaticale que réelle, a fait, sans s’en douter, du juste-milieu, c’est-à-dire de la pire espèce de diplomatie. Son argumentation est exactement la même que celle de M. Rossi relativement à la division du travail : elle consiste à opposer entre elles la concurrence et la morale, afin de les limiter l’une par l’autre, comme M. Rossi prétendait arrêter et restreindre par la morale les inductions économiques, tranchant par-ci, taillant par-là, selon le besoin et l’occurrence. J’ai réfuté M. Rossi en lui adressant cette simple question : comment se peut-il que la science soit en désaccord avec elle-même, la science de la richesse avec la science du devoir ? De même je demande aux communistes : comment un principe dont le développement est visiblement utile, peut-il être en même temps funeste ?

On dit : l’émulation n’est pas la concurrence. J’observe d’abord que cette prétendue distinction ne porte que sur les effets divergents du principe, ce qui a fait croire qu’il existait deux principes que l’on confondait. L’émulation n’est pas autre chose que la concurrence même ; et puisqu’on s’est jeté dans les abstractions, je m’y engagerai volontiers. Il n’y a pas d’émulation sans but, de même qu’il n’y a pas d’essor passionnel sans objet ; et comme l’objet de toute pas-