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face emporte la propriété du dessus et du dessous : Cujus est solum, ejus est usque ad cœlum. Or, si l’usage de l’eau, de l’air et du feu exclut la propriété, il en doit être de même de l’usage du sol : cet enchaînement de conséquences semble avoir été pressenti par M. Ch. Comte, dans son Traité de la propriété, chap. 5.

« Un homme qui serait privé d’air atmosphérique pendant quelques minutes cesserait d’exister, et une privation partielle lui causerait de vives souffrances ; une privation partielle ou complète d’aliments produirait sur lui des effets analogues, quoique moins prompts ; il en serait de même, du moins dans certains climats, de la privation de toute espèce de vêtements et d’abri… Pour se conserver, l’homme a donc besoin de s’approprier incessamment des choses de diverses espèces. Mais ces choses n’existent pas dans les mêmes proportions : quelques-unes, telles que la lumière des astres, l’air atmosphérique, l’eau renfermée dans le bassin des mers, existent en si grande quantité, que les hommes ne peuvent lui faire éprouver aucune augmentation ou aucune diminution sensible ; chacun peut s’en approprier autant que ses besoins en demandent sans nuire en rien aux jouissances des autres, sans leur causer le moindre préjudice. Les choses de cette classe sont en quelque sorte la propriété commune du genre humain ; le seul devoir qui soit imposé à chacun à cet égard, est de ne troubler en rien la jouissance des autres. »

Achevons l’énumération commencée par M. Ch. Comte. Un homme à qui il serait interdit de passer sur les grands chemins, de s’arrêter dans les champs, de se mettre à l’abri dans les cavernes, d’allumer du feu, de ramasser des baies sauvages, de cueillir des herbes et de les faire bouillir dans un morceau de terre cuite, cet homme-là ne pourrait vivre. Ainsi la terre, comme l’eau, l’air et la lumière, est un objet de première nécessité dont chacun doit user librement, sans nuire à la jouissance d’autrui ; pourquoi donc la terre est-elle appropriée ? La réponse de M. Ch. Comte est curieuse : Say prétendait tout à l’heure que c’est parce qu’elle n’est pas fugitive ; M. Ch. Comte assure que c’est parce qu’elle