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Eh bien ! n’est-il pas vrai, au point de vue de M. Cousin, que si la liberté de l’homme est sainte, elle est sainte au même titre dans tous les individus ; que si elle a besoin d’une propriété pour agir au dehors, c’est-à-dire pour vivre, cette appropriation d’une matière est d’une égale nécessité pour tous ; que si je veux être respecté dans mon droit d’appropriation, il faut que je respecte les autres dans le leur : conséquemment que si, dans le champ de l’infini, la puissance d’approbation de la liberté peut ne rencontrer de bornes qu’en elle-même, dans la sphère du fini cette même puissance se limite selon le rapport mathématique du nombre des libertés à l’espace qu’elles occupent ? ne s’ensuit-il pas que si une liberté ne peut empêcher une autre liberté, sa contemporaine, de s’approprier une matière égale à la sienne, elle ne peut davantage ôter cette faculté aux libertés futures, parce que, tandis que l’individu passe, l’universalité persiste, et que la loi d’un tout éternel ne peut dépendre de sa partie phénoménale ? Et de tout cela ne doit-on pas conclure que toutes les fois qu’il naît une personne douée de liberté, il faut que les autres se serrent, et, par réciprocité d’obligation, que si le nouveau venu est désigné subséquemment pour hériter, le droit de succession ne constitue pas pour lui un droit de cumul, mais seulement un droit d’option ?

J’ai suivi M. Cousin jusque dans son style et j’en ai honte. Faut-il des termes si pompeux, des phrases si sonores, pour dire des choses si simples ? L’homme a besoin de travailler pour vivre : par conséquent il a besoin d’instruments et de matériaux de production. Ce besoin de produire fait son droit : or ce droit lui est garanti par ses semblables, envers lesquels il contracte pareil engagement. Cent mille hommes s’établissent dans une contrée grande comme la France, et vide d’habitants : le droit de chaque homme au capital territorial est d’un cent millième. Si le nombre des possesseurs augmente, la part de chacun diminue en raison de cette augmentation, en sorte que si le nombre des habitants s’élève à 34 millions, le droit de chacun sera d’un 34 millionième. Arrangez maintenant la po-