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priétaire qui fuit le danger sans attendre le secours de l’État ; ou du laboureur, qui reste dans sa chaumière ouverte à tous les fléaux ?

Est-ce que l’ordre est plus menacé par le bon bourgeois que par l’artisan et le compagnon ? Mais la police a plus à faire de quelques centaines d’ouvriers sans travail que de deux cent mille électeurs.

Est-ce enfin que le gros rentier jouit plus que le pauvre des fêtes nationales, de la propreté des rues, de la beauté des monuments ?… Mais il préfère sa campagne à toutes les splendeurs populaires ; et, quand il veut se réjouir, il n’attend pas les mâts de cocagne.

De deux choses l’une : ou l’impôt proportionnel garantit et consacre un privilége en faveur des forts contribuables, ou bien il est lui-même une iniquité. Car, si la propriété est de droit naturel, comme le veut la déclaration de 93, tout ce qui m’appartient en vertu de ce droit est aussi sacré que ma personne ; c’est mon sang, c’est ma vie, c’est moi-même : quiconque y touche offense la prunelle de mon œil. Mes 100,000 fr. de revenu sont aussi inviolables que la journée de 75 centimes de la grisette, mes appartements que sa mansarde. La taxe n’est pas répartie en raison de la force, de la taille, ni du talent : elle ne peut l’être davantage en raison de la propriété.

Si donc l’État me prend plus, qu’il me rende plus, ou qu’il cesse de me parler d’égalité des droits ; car autrement la société n’est plus instituée pour défendre la propriété, mais pour en organiser la destruction. L’État, par l’impôt proportionnel, se fait chef de bande ; c’est lui qui donne l’exemple du pillage en coupes réglées ; c’est lui qu’il faut traîner sur le banc des cours d’assises, en tête de ces hideux brigands, de cette canaille exécrée qu’il fait assassiner par jalousie de métier.

Mais, dit-on, c’est précisément pour contenir cette canaille qu’il faut des tribunaux et des soldats : le gouvernement est une compagnie, non pas précisément d’assurance, car il n’assure pas, mais de vengeance et de répression. Le droit que cette compagnie fait payer, l’impôt, est ré-