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droits politiques, certaines conditions de fortune et de capacité ; mais tous les publicistes savent que l’intention du législateur a été, non d’établir un privilége, mais de prendre des garanties. Dès que les conditions fixées par la loi sont remplies, tout citoyen peut être électeur, et tout électeur éligible : le droit une fois acquis est égal dans tous ; la loi ne compare ni les personnes ni les suffrages. Je n’examine pas en ce moment si ce système est le meilleur ; il me suffit que dans l’esprit de la Charte et aux yeux de tout le monde l’égalité devant la loi soit absolue, et, comme la liberté, ne puisse être la matière d’aucune transaction.

Il en est de même du droit de sûreté. La société ne promet pas à ses membres une demi-protection, une quasi-défense ; elle s’engage tout entière pour eux comme ils sont engagés pour elle. Elle ne leur dit pas : Je vous garantirai, s’il ne m’en coûte rien ; je vous protégerai, si je ne cours pas de risques. Elle dit : Je vous défendrai envers et contre tous ; je vous sauverai et vous vengerai, ou je périrai moi-même. L’État met toutes ses forces au service de chaque citoyen ; l’obligation qui les lie l’un à l’autre est absolue.

Quelle différence dans la propriété ! Adorée de tous, elle n’est reconnue par aucun : lois, mœurs, coutumes, conscience publique et privée, tout conspire sa mort et sa ruine.

Pour subvenir aux charges du gouvernement, qui a des armées à entretenir, des travaux à exécuter, des fonctionnaires à payer, il faut des impôts. Que tout le monde contribue à ces dépenses, rien de mieux : mais pourquoi le riche payerait-il plus que le pauvre ? — Cela est juste, dit-on, puisqu’il possède davantage. — J’avoue que je ne comprends pas cette justice.

Pourquoi paye-t-on des impôts ? Pour assurer à chacun l’exercice de ses droits naturels, liberté, égalité, sûreté, propriété : pour maintenir l’ordre dans l’État ; pour créer des objets publics d’utilité et d’agrément.

Or, est-ce que la vie et la liberté du riche coûtent plus à défendre que celle du pauvre ? Qui, dans les invasions, les famines et les pestes, cause plus d’embarras, du grand pro-