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La royauté fut d’abord élective, parce que, dans un temps où l’homme produisant peu ne possède rien, la propriété est trop faible pour donner l’idée d’hérédité et pour garantir au fils la royauté de son père : mais lorsqu’on eut défriché des champs et bâti des villes, chaque fonction fut, comme tout autre chose, appropriée ; de là les royautés et les sacerdoces héréditaires ; de là l’hérédité portée jusque dans les professions les plus communes, circonstance qui entraîna les distinctions de castes, l’orgueil du rang, l’abjection de la roture, et qui confirme ce que j’ai dit du principe de succession patrimoniale, que c’est un mode indiqué par la nature de pourvoir aux fonctions vacantes et de parfaire une œuvre commencée.

De temps en temps l’ambition fit surgir des usurpateurs, des supplanteurs de rois, ce qui donna lieu de nommer les uns rois de droit, rois légitimes, et les autres tyrans. Mais il ne faut pas que les noms nous imposent : il y eut d’exécrables rois et des tyrans très supportables. Toute royauté peut être bonne, quand elle est la seule forme possible de gouvernement ; pour légitime, elle ne l’est jamais. Ni l’hérédité, ni l’élection, ni le suffrage universel, ni l’excellence du souverain, ni la consécration de la religion et du temps, ne font la royauté légitime. Sous quelque forme qu’elle se montre, monarchique, oligarchique, démocratique, la royauté, ou le gouvernement de l’homme par l’homme, est illégale et absurde.

L’homme, pour arriver à la plus prompte et à la plus parfaite satisfaction de ses besoins, cherche la règle : dans les commencements, cette règle est pour lui vivante, visible et tangible ; c’est son père, son maître, son roi. Plus l’homme est ignorant, plus son obéissance, plus sa confiance dans son guide est absolue. Mais l’homme, dont la loi est de se conformer à la règle, c’est-à-dire de la découvrir par la réflexion et le raisonnement, l’homme raisonne sur les ordres de ses chefs : or, un pareil raisonnement est une protestation contre l’autorité, un commencement de désobéissance. Du moment que l’homme cherche les motifs de la volonté souveraine, de ce moment-là