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partie des règles, et beaucoup d’honnêtes gens ne se faisaient aucun scrupule de corriger, par un adroit escamotage, les caprices de la fortune. Aujourd’hui même, et par tous pays, c’est un genre de mérite très considéré chez les paysans, dans le haut et le bas commerce, de savoir faire un marché, ce qui veut dire, duper son homme : cela est tellement accepté, que celui qui se laisse surprendre n’en veut pas à l’autre. On sait avec quelle peine notre gouvernement s’est résolu à l’abolition des loteries ; il sentait qu’un coup de poignard était porté à la propriété. Le filou, l’escroc, le charlatan, fait surtout usage de la dextérité de sa main, de la subtilité de son esprit, du prestige de l’éloquence et d’une grande fécondité d’invention ; quelquefois il présente un appât à la cupidité : aussi le Code pénal, pour qui l’intelligence est de beaucoup préférable à la vigueur musculaire, a-t-il cru devoir faire des quatre variétés ci-mentionnées une seconde catégorie, passible seulement de peines correctionnelles non infamantes. Qu’on accuse, à présent, la loi d’être matérialiste et athée.

On vole : 12o par usure.

Cette espèce, devenue si odieuse depuis la publication de l’Évangile, et si sévèrement punie, forme transition entre les vols défendus et les vols autorisés. Aussi donne-t-elle lieu, par sa nature équivoque, à une foule de contradictions dans les lois et dans la morale, contradictions exploitées fort habilement par les gens de palais, de finance et de commerce. Ainsi l’usurier, qui prête sur hypothèque à 10, 12 et 15 pour cent, encourt une amende énorme, quand il est atteint ; le banquier, qui perçoit le même intérêt, non, il est vrai, à titre de prêt, mais à titre de change ou d’escompte, c’est-à-dire de vente, est protégé par privilége royal. Mais la distinction du banquier et de l’usurier est purement nominale ; comme l’usurier, qui prête sur un meuble ou immeuble, le banquier prête sur du papier-valeur ; comme l’usurier, il prend son intérêt d’avance ; comme l’usurier, il conserve son recours contre l’emprunteur, si le gage vient à périr, c’est-à-dire si le billet n’est pas acquitté, circonstance qui fait de lui précisément un prêteur d’argent, non un vendeur d’argent. Mais le banquier prête à