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cial, la thèse ; la propriété, expression contradictoire de la communauté, fait le second terme, l’antithèse. Reste à découvrir le troisième terme, la synthèse, et nous aurons la solution demandée. Or, cette synthèse résulte nécessairement de la correction de la thèse par l’antithèse, donc il faut, par un dernier examen de leurs caractères, en éliminer ce qu’elles renferment d’hostile à la sociabilité ; les deux restes formeront, en se réunissant, le véritable mode d’association humanitaire.


§ 2. Caractères de la communauté et de la propriété.


I. Je ne dois pas dissimuler que, hors de la propriété ou de la communauté, personne n’a conçu de société possible : cette erreur à jamais déplorable a fait toute la vie de la propriété. Les inconvénients de la communauté sont d’une telle évidence, que les critiques n’ont jamais dû employer beaucoup d’éloquence pour en dégoûter les hommes. L’irréparabilité de ses injustices, la violence qu’elle fait aux sympathies et aux répugnances, le joug de fer qu’elle impose à la volonté, la torture morale où elle tient la conscience, l’atonie où elle plonge la société, et, pour tout dire enfin, l’uniformité béate et stupide par laquelle elle enchaîne la personnalité libre, active, raisonnée, insoumise de l’homme, ont soulevé le bon sens général, et condamné irrévocablement la communauté.

Les autorités et les exemples qu’on allègue en sa faveur, se tournent contre elle : la république communiste de Platon suppose l’esclavage ; celle de Lycurgue se faisait servir par les ilotes, qui, chargés de tout produire pour leurs maîtres, leur permettaient de se livrer exclusivement aux exercices gymnastiques et à la guerre. Aussi J.-J. Rousseau, confondant la communauté et l’égalité, a-t-il dit quelque part que, sans l’esclavage, il ne concevait pas l’égalité des conditions possible. Les communautés de l’Église primitive ne purent aller jusqu’à la fin du premier siècle, et dégénérèrent bientôt en moineries ; dans celles des jésuites du Pa-