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ou tard le désordre social, en nous éclairant sur nos droits et nos devoirs.

Cette éducation progressive et douloureuse de notre instinct, cette lente et insensible transformation de nos perceptions spontanées en connaissances réfléchies ne se remarque point chez les animaux, dont l’instinct reste fixe et ne s’éclaire jamais.

Selon Frédéric Cuvier, qui a si nettement séparé dans les animaux l’instinct de l’intelligence, « L’instinct est une force primitive et propre, comme la sensibilité, comme l’irritabilité, comme l’intelligence. Le loup et le renard, qui reconnaissent les piéges où ils sont tombés et qui les évitent, le chien et le cheval, qui apprennent jusqu’à la signification de plusieurs de nos mots et qui nous obéissent, font cela par intelligence. Le chien, qui cache les restes de son repas, l’abeille, qui construit sa cellule, l’oiseau, qui construit son nid, n’agissent que par instinct. Il y a de l’instinct jusque dans l’homme ; c’est par un instinct particulier que l’enfant tette en venant au monde. Mais dans l’homme, presque tout se fait par l’intelligence, et l’intelligence y supplée à l’instinct. L’inverse a lieu pour les animaux, l’instinct leur a été donné comme supplément de l’intelligence. » (Flourens, Résumé analytique des observations de F. Cuvier.)

« On ne peut se faire d’idée claire de l’instinct qu’en admettant que les animaux ont dans leur sensorium des images ou sensations innées et constantes qui les déterminent à agir comme les sensations ordinaires et accidentelles déterminent communément. C’est une sorte de rêve ou de vision qui les poursuit toujours ; et dans tout ce qui a rapport à leur instinct, on peut les regarder comme des somnambules. » (F. Cuvier, Introduction au règne animal.)

L’intelligence et l’instinct étant donc communs, quoique à divers degrés, aux animaux et à l’homme, qu’est-ce qui distingue celui-ci ? Selon F. Cuvier, c’est la réflexion ou la faculté de considérer intellectuellement, par un retour sur nous-mêmes, nos propres modifications.

Ceci manque de netteté et demande explication.

Si l’on accorde l’intelligence aux animaux, il faut aussi leur