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de marchandise, la journée de son ouvrier, il en tire plus de 3 francs. L’ouvrier ne peut donc pas racheter ce qu’il produit au compte du maître. Il en est ainsi de tous les corps d’état sans exception : le tailleur, le chapelier, l’ébéniste, le forgeron, le tanneur, le maçon, le bijoutier, l’imprimeur, le commis, etc., etc., jusqu’au laboureur et au vigneron, ne peuvent racheter leurs produits, puisque, produisant pour un maître qui, sous une forme ou sous une autre, bénéficie, il leur faudrait payer leur propre travail plus cher qu’on ne leur en donne.

En France, 20 millions de travailleurs, répandus dans toutes les branches de la science, de l’art et de l’industrie, produisent toutes les choses utiles à la vie de l’homme ; la somme de leurs journées égale, chaque année, par hypothèse, 20 milliards ; mais, à cause du droit de propriété et de la multitude des aubaines, primes, dîmes, intérêts, pots-de-vin, profits, fermages, loyers, rentes, bénéfices de toute nature et de toute couleur, les produits sont estimés par les propriétaires et patrons 25 milliards : qu’est-ce que cela veut dire ? que les travailleurs, qui sont obligés de racheter ces mêmes produits pour vivre, doivent payer 5 ce qu’ils ont produit pour 4, ou jeûner de cinq jours l’un.

S’il y a un économiste en France capable de démontrer la fausseté de ce calcul, je le somme de se faire connaître, et je prends l’engagement de rétracter tout ce qu’à tort et méchamment j’aurai avancé contre la propriété.

Voyons maintenant les conséquences de ce bénéfice.

Si, dans toutes les professions, le salaire de l’ouvrier était le même, le déficit occasionné par le prélèvement du propriétaire se ferait sentir également partout ; mais aussi la cause du mal serait tellement évidente, qu’elle eût été dès longtemps aperçue et réprimée. Mais, comme entre les salaires, depuis celui de balayeur jusqu’à celui de ministre, il règne la même inégalité qu’entre les propriétés, il se fait un ricochet de spoliation du plus fort au plus faible, si bien que le travailleur éprouvant d’autant plus de privations qu’il est placé plus bas dans l’échelle sociale, la dernière classe du