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Le propriétaire au rebours ne cède rien de son instrument : éternellement il s’en fait payer, éternellement il le conserve.

En effet, le loyer que perçoit le propriétaire n’a pas pour objet les frais d’entretien et de réparation de l’instrument ; ces frais demeurent à la charge de celui qui loue, et ne regardent le propriétaire que comme intéressé à la conservation de la chose. S’il se charge d’y pourvoir, il a soin de se faire rembourser de ses avances.

Ce loyer ne représente pas non plus le produit de l’instrument, puisque l’instrument par lui-même ne produit rien : nous l’avons vu tout à l’heure, et nous le verrons mieux encore par les conséquences.

Enfin, ce loyer ne représente pas la participation du propriétaire dans la production, puisque cette participation ne pourrait consister, comme celle du forgeron et du charron, que dans la cession de tout ou de partie de son instrument, auquel cas il cesserait d’être propriétaire, ce qui impliquerait contradiction de l’idée de propriété.

Donc entre le propriétaire et le fermier il n’y a point échange de valeurs ni de services ; donc, ainsi que nous l’avons dit dans l’axiome, le fermage est une véritable aubaine, une extorsion fondée uniquement sur la fraude et la violence d’une part, sur la faiblesse et l’ignorance de l’autre. Les produits, disent les économistes, ne s’achètent que par des produits. Cet aphorisme est la condamnation de la propriété. Le propriétaire ne produisant ni par lui-même ni par son instrument, et recevant des produits en échange de rien, est ou un parasite ou un larron. Donc, si la propriété ne peut exister que comme droit, la propriété est impossible.

Corollaires. 1o La constitution républicaine de 1793, qui a défini la propriété, « le droit de jouir du fruit de son travail, » s’est trompée grossièrement ; elle devait dire : La propriété est le droit de jouir et de disposer à son gré du bien d’autrui, du fruit de l’industrie et du travail d’autrui.

2o Tout possesseur de terres, maisons, meubles, machines, outils, argent monnayé, etc., qui loue sa chose