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sité invincible nous impose. Quant aux ignorances des moralistes et des hommes d’État, supportons-les avec résignation philosophique. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le bien s’accomplit tout assaisonné d’amertumes, et que la justice éternelle, appelant du geste la justice humaine, établit son tribunal au carrefour de l’iniquité. La propriété, comme l’État, est en pleine métamorphose : au lieu de nous lamenter en aveugles, voyons plutôt, spéculateurs avisés, s’il n’y a pas quelque sujet de nous réjouir.

Le travail, disions-nous tout à l’heure, est la seule chose en définitive qui paye le travail. Cette proposition est la même, mais plus exacte et plus générale dans son expression, que celle de J.-B. Say : Les produits s’échangent contre les produits. Or, si le travail paye le travail, qu’est-ce que la propriété, corporative ou individuelle, rentière, agricole, industrielle, mercantile ou financière, peut avoir à craindre ? Le producteur a dans la paume de sa main plus de richesses qu’il n’en existe sur la face de la terre. Quand, par impossible, l’expropriation pour cause d’utilité publique devrait aller jusqu’à la totalité du capital national, mobilier et immobilier, le peuple des travailleurs aurait encore de quoi payer, puisqu’il aurait son travail : or, c’est dans le travail qu’est le principe de l’amortissement…

Constatons une dernière fois la nécessité de ce principe, dès longtemps passé dans les faits : nous déduirons ensuite, du point de vue essentiellement spéculatif de la réintégration du peuple dans les domaines créés par son travail, ce qu’il y a de rassurant pour le commanditaire actuel dans les conséquences.

Des Compagnies obtiennent le droit d’établir des chemins de fer : elles immobilisent dans ces travaux des milliards. Et cependant leur création ne leur appartiendra point, comme la maison appartient au propriétaire qui l’a fait bâtir. Les bénéfices annuels leur seront comptés en deux parts, l’une à titre de dividendes, l’autre à titre d’amortissement ; de sorte que dans un délai dont la durée importe peu au fond