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curité s’en va, le marché se resserre, le crédit se refuse, les affaires tombent dans une stagnation chronique, constitutionnelle, normale. Au dedans, les masses, trop pauvres, ne dépensant plus que pour leurs aliments, n’achètent pas ; au dehors, l’exportation, mal soutenue par le marché intérieur, met le fabricant à la merci de l’acheteur étranger. Insensiblement notre commerce international se change en un service subalterne. Qu’importe alors que la balance nous reste favorable si nos prix sont insuffisants ? Vis-à-vis des Américains, des Anglais, des Russes, nous ne sommes plus des échangistes, nous devenons des salariés. Nous n’avons pas même le moyen d’opérer le transport de nos produits, et ce sont les flottes anglaises et américaines qui, pour les neuf dixièmes, viennent au Havre prendre nos cargaisons.

Il faudrait donc, pour rendre l’élan à ce monde de boutiquiers, de fabricants, d’artisans, de cultivateurs, d’entrepreneurs de toute espèce, il faudrait, disons-nous, 1° alléger le fardeau que lui imposent à la fois l’impôt, le capital et la propriété, les frais d’État, d’escompte, de commission et de loyer ; 2° lui subordonner les grandes Compagnies, au lieu de le subordonner lui-même à elles ; 3° par dessus tout, condition sine quâ non, créer le marché intérieur en mettant les classes travailleuses à même de se procurer les produits dont la misère les force de s’abstenir.

Tel est le problème à résoudre en faveur de la classe moyenne : on devine, par cet exposé, que le problème n’est autre que celui dont la classe inférieure réclame à son tour la solution.

Nous appelons classe inférieure celle qui a pour caractère non-seulement le travail, qui distingue aussi, et même à un degré supérieur, la classe moyenne, mais le salariat. Dans de bonnes conditions, l’état de salarié peut être considéré comme le plus avantageux à la liberté du cœur et de l’esprit, et jusqu’à certain point au bien-être de l’individu et de la famille ; mais dans la condition généralement faite au travailleur par l’insécurité du commerce et des entreprises, le progrès des machines, l’avilissement de la main-d’œuvre et l’abrutissement du travail parcellaire, le salariat est devenu