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le numéraire, instrument obligé des transactions et représentant indispensable du fonds de roulement.

10° Enfin, abaissement du sens moral dans la nation, corruption de la foi publique et délaissement du travail producteur pour la spéculation parasite et le jeu. Ces causes, les plus actives de toutes, et les moins signalées de la crise actuelle, ont été amplement développées dans cet ouvrage, et nous n’y reviendrons pas. Qu’il nous suffise de rappeler ici que l’immoralité bancocratique et agioteuse n’a commencé de s’afficher avec impudeur que du jour où elle s’est imaginé n’avoir plus rien à craindre de la Révolution abattue, et que le dernier soupir de la République semble avoir été, grâce à cette émancipation boursière, le dernier soupir de la conscience française. Contre l’inflexible solidarité des principes, que pourraient ensuite les efforts d’un gouvernement, même vertueux et réparateur ? Qui peccat in uno, dit l’Évangile, factus est omnium reus. Nous avons manqué à la foi publique ; nous sommes fripons et misérables : c’est logique et c’est justice. De telles ruines ne se relèvent que par l’expiation et le temps.

Telle est la Crise, invincible tant qu’on ne l’attaquera pas dans ses causes, et qui ne faiblira point ni pour une, ni pour deux, ni pour une série de bonnes récoltes, mais qui ira toujours grandissant, comme le déplacement de capital, de revenu, de salaire, de consommation et de population, qu’elle représente.

La Crise, en un mot, c’est la Féodalité industrielle : ne cherchez point ailleurs la cause de cette gêne universelle, endémique, incurable.

Ainsi la France se remet elle-même en servitude. Encore un peu de temps, et nous serons revenus, par une courbe rentrante, aux pures idées féodales. La croisade contre-révolutionnaire sera terminée, et sans mieux savoir aujourd’hui ce que nous faisons que nous ne le savions autrefois, nous pourrons ajouter un livre de plus aux Gesta Dei per Francos.

Démenti donné à la politique de Louis XI, de Richelieu, de Mazarin, de Colbert, de Law, de Turgot et de la Révo-