Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La liste des brevets d’invention que délivre chaque année le gouvernement, mais sans garantie de sa part, n’est, pour les quatre cinquièmes, que la liste des fausses spéculations qu’enfante incessamment le génie industriel. Mais cette exubérance de découvertes est comme la fumée, qui recèle dans ses tourbillons la flamme : si le plus souvent elle n’apporte que la ruine à ses auteurs, elle est, pour la société, la condition nécessaire du progrès, et, à ce point de vue, encore respectable.

En 1785 le ministère français conclut avec l’Angleterre un traité par lequel les poteries des deux provenances seront introduites réciproquement en franchise dans les deux pays. Le ministère français avait compté, pour les manufactures de Sèvres et de Beauvais, sur un débouché immense, dans un pays qui ne produisait que des poteries communes. Mais la spéculation était fausse : tandis que l’Angleterre achetait à peine pour 100,000 fr. de porcelaines, elle nous expédiait pour des millions de terres cuites. Il fallut, non sans honte, résilier le marché.

Afin d’assurer la propriété des écrivains et éditeurs français, et mettre fin à la contrefaçon belge, le gouvernement de France fait avec le gouvernement de Belgique un traité par lequel la propriété littéraire est garantie réciproquement dans les deux pays. Bonne affaire pour les auteurs et publicateurs de livres nouveaux ; mais mauvaise spéculation pour la librairie belge, si les tarifs de douane sont maintenus ; pour la librairie française s’ils sont abolis. Tandis que la France acquiert un marché de 3 millions d’âmes, elle offre à la Belgique le sien, qui est de 36 millions : les conditions ne sont pas égales.

Pour doter le pays de canaux, le gouvernement fait appel aux capitaux privés, leur garantit, avec l’intérêt de 5 0/0, une part considérable dans le produit net des voies navigables, pendant 99 ans. L’expérience démontre ensuite que le plus faible tarif sur la batellerie est prohibitif, et qu’un canal, pour rendre tous les services dont il est susceptible, ne doit rien rapporter du tout : chose dont on aurait pu s’assurer en discutant le cahier des charges. La spéculation en