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qu’elle peut escompter ; son privilége consiste à créer, à fabriquer une monnaie particulière pour ses escomptes.

« Si une banque employait son capital à ses escomptes, elle n’aurait pas besoin de privilége ; elle serait dans la condition commune de tous les escompteurs, mais elle ne pourrait pas soutenir leur concurrence, car d’un côté elle fait nécessairement plus de dépenses pour escompter, et de l’autre elle doit faire moins de profits sur chaque escompte, puisqu’elle escompte à un taux plus modéré.

« C’est indépendamment de son capital qu’elle crée par ses billets son véritable et son unique moyen d’escompte.

« Son capital est et doit donc rester étranger à ses opérations d’escompte. La formation de ce capital est un acte préliminaire, aussi distinct de l’activité d’une banque comme machine privilégiée d’escompte, que la prestation du cautionnement d’un comptable est distincte de sa gestion proprement dite.

« La condition de fournir un capital n’est imposée aux entrepreneurs d’une banque que pour assurer à ceux qui admettent ses billets comme la monnaie réelle, un gage et une garantie contre les erreurs, les imprudences que cette banque pourrait commettre dans l’emploi de ses billets ; contre les pertes qu’elle essuierait, si elle avait admis des valeurs douteuses à ses escomptes ; en un mot (pour employer l’expression technique du commerce), contre les avaries de son portefeuille.

« Une banque n’émettant et ne pouvant émettre des billets qu’en échange de bonnes et valables lettres de change à deux et à trois mois de terme au plus, elle doit avoir constamment dans son portefeuille, en telles lettres de change, une somme au moins égale aux billets qu’elle a émis ; elle est donc en situation de retirer tous ses billets de la circulation dans un espace de trois mois par le seul effet de l’échéance successive de ses billets, sans avoir entamé aucune partie de son capital.

« Ainsi, après avoir établi que le capital d’une banque n’intervient pas dans ces escomptes comme moyen direct, on peut ajouter qu’il n’intervient pas plus dans sa liquidation si elle n’a fait que des escomptes réguliers, c’est-à-dire si elle n’a émis des billets qu’en échange de lettres de change véritables, nécessaires, représentées par des marchandises que le revenu des consommateurs payera, si c’est le besoin de consommation qui les a appelés.

« Le capital fourni par les actionnaires d’une banque n’étant, à proprement parler, qu’une espèce de cautionnement qu’ils donnent au public, on pourrait presque dire qu’une banque qui serait parvenue à se faire une réputation d’infaillibilité n’aurait pas même