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Ce beau feu, toujours vivace chez les théoriciens, n’a pas tardé à s’éteindre chez les expérimentateurs. Il y a eu désillusion sur désenchantement ; et les prophètes de crier au vice originel, à l’imperfection humaine. Étranges réformateurs, à qui il faut une humanité tout exprès pour l’application de leurs idées, et qui rejettent comme vicieux ce qui n’entre pas dans leur cadre, sans se douter que le vice ne provient pas d’ailleurs que de leur conception !……

Quel parti prendre entre ces systèmes ? quel tempérament choisir ? — En principe, aucun. L’association des personnes, comme celle des capitaux et des forces, n’est, comme la division du travail, la concurrence, le crédit, comme les machines elles-mêmes, qu’un instrument économique : c’est un moyen, un procédé auquel dans la nécessité l’homme peut avoir recours, qui par conséquent appelle les déterminations de la justice, mais qui n’est pas par lui-même la justice, qui n’a rien en soi de libéral, rien de social.

Que ceux-là donc qui, par le cours naturel des choses, se trouvent dans le cas d’avoir recours à l’association, sous quelque forme et dans quelque mesure que ce soit, s’arrangent pour l’entourer de toutes les garanties et compensations possibles, comme une nation qui se donne un prince commence par lui imposer une constitution : à eux sage ! Mais que l’association soit recherchée pour elle-même, comme l’expression du droit et du progrès, comme une sorte de panacée contre la servitude et la misère ; que des êtres intelligents et libres s’éprennent d’amour pour une combinaison qui leur ôte la personnalité, l’initiative et l’indépendance ; où il ne peuvent être jamais que chefs ou soldats, exploiteurs ou exploités, tout au plus membres également participants d’un même organisme qui les entraîne, soumis à une même pensée qui les domine, c’est ce qui répugne à l’humanité, et que l’on ne verra jamais.

En toute association, il n’y a que les gérants, administrateurs, directeurs qui puissent trouver satisfaction entière : la nécessité seule y retient les autres.

Comment alors un système, marchant, à ce qu’il semble, au rebours du progrès et de la liberté, prend-il chaque jour