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tion, auraient fait du Gouvernement provisoire un très mauvais pouvoir, constituaient son originalité comme gouvernement de passage, destiné à garder la place de la souveraineté. Oui, l’hétérogénéité même des éléments dont il se composait était de nature à sauver la situation, parce qu’elle tendait à maintenir en équilibre les diverses forces de la société... »

Donc le Gouvernement provisoire, chargé uniquement de maintenir l’équilibre, n’avait point à diriger le mouvement révolutionnaire, pas plus dans un sens que dans l’autre ; donc, puisqu’il était conservateur, il n’était pas initiateur ; donc il n’avait que faire d’une autorité dictatoriale ; donc l’ajournement des élections était plus qu’inutile, il était impolitique : c’était un attentat à la souveraineté du peuple ; donc la manifestation était absurde. Voilà la conséquence que Louis Blanc devait tirer de ses propres prémisses, et s’il ne l’a pas tirée, les événements l’ont fait pour lui...

« Nous étions dans l’attente... Tout à coup, à une des extrémités de la place de Grève, paraît une masse sombre et compacte. C’étaient les corporations. Séparées l’une de l’autre par des intervalles égaux et précédées de leurs bannières diverses, elles arrivaient gravement, en silence, dans l’ordre et avec la discipline d’une armée...

« Les délégués étant montés à l’Hôtel-de-Ville, et l’un d’eux, le citoyen Géraud, ayant lu la pétition, j’aperçus, parmi les assistants, des figures inconnues, dont l’expression avait quelque chose de sinistre. »

C’étaient apparemment les mêmes qui furent remarquées depuis, par les honnêtes et les modérés, au 15 mai et dans les journées de juin. Les hommes de gouvernement sont sujets à de singulières hallucinations.

« Je compris aussitôt que des personnes étrangères aux corporations s’étaient mêlées an mouvement (pourquoi pas ?