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d’autres socialistes l’aient dit, n’ont pas même la triste excuse de l’ignorance ; ils sont tout simplement de mauvaise foi.

Le Gouvernement provisoire, avant d’agir, avant de prendre aucune délibération, devait donc préalablement distinguer la question organique de la question exécutive, en autres termes, ce qui était de la compétence du pouvoir et ce qui n’en était pas. Puis, cette distinction faite, son unique devoir, son seul droit, était d’inviter les citoyens à produire eux-mêmes, par le plein exercice de leur liberté, les faits nouveaux sur lesquels lui, gouvernement, serait plus tard appelé à exercer, soit une surveillance, soit au besoin une direction.

Il est probable que le Gouvernement provisoire ne fut pas conduit par des considérations si hautes ; il est même à croire que de tels scrupules ne l’eussent pas retenu. Il ne demandait qu’à révolutionner : seulement il ne savait comment s’y prendre. C’était un composé de conservateurs, de doctrinaires, de jacobins, de socialistes, parlant chacun une langue à part. C’eût été merveille, quand ils avaient tant de peine à s’accorder sur la moindre question de police, qu’ils vinssent à bout de s’entendre sur quelque chose comme une révolution. La discorde qui régnait au camp, bien plus que la prudence des généraux, préserva le pays des utopies du Gouvernement provisoire : les dissentiments qui l’agitaient lui tinrent lieu de philosophie.

La faute, la très grande faute du Gouvernement provisoire, ne fut pas de n’avoir su édifier, c’est de n’avoir pas su démolir.

Ainsi , il fallait abroger les lois oppressives de la liberté individuelle, faire cesser le scandale des arrestations arbitraires, fixer les limites de la prévention…… On ne songea qu’à défendre les prérogatives de la magistrature, et la liberté des citoyens fut plus que jamais livrée à l’arbitraire