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et la foi[1]. Là est la clef de tous les faits qui se sont accomplis depuis février en France et en Europe, et qui pourraient bien s’accomplir pendant longtemps encore.

C’est ici le lieu d’exposer la raison juridique de l’incapacité révolutionnaire de tout gouvernement.

Ce qui fait que le gouvernement est par nature immobiliste, conservateur, réfractaire à toute initiative, disons même contre-révolutionnaire, c’est qu’une révolution est chose organique, chose de création, et que le pouvoir est chose mécanique ou d’exécution. Je m’explique.

J’appelle organique, non pas les lois, purement conventionnelles, qui touchent aux éléments les plus généraux de l’administration et du pouvoir, telles que la loi municipale et départementale, la loi sur le recrutement, la loi sur l’instruction publique, etc. Le mot organique employé dans ce sens est tout à fait abusif, et M. Odilon Barrot avait raison de dire que de telles lois n’ont rien d’organique du tout. Ce prétendu organisme, de l’invention de Bonaparte, n’est que le machinisme gouvernemental. J’entends par organique ce qui fait la constitution intime, séculaire de la société, supérieurement à tout système politique, à toute constitution de l’État.

Ainsi, nous dirons que le mariage est chose organique. Il appartient au pouvoir législatif de prendre l’initiative de toute loi concernant les rapports d’intérêt et d’ordre public et domestique auxquels donne lieu la société conjugale ; il ne lui appartient pas de toucher à l’essence de cette société. Le mariage est-il une institution d’une moralité absolue ou douteuse, une institution en progrès ou en décadence ? On peut disputer à cet égard tant que l’on voudra : jamais un gouvernement, une assemblée de législateurs n’auront à cet

  1. Voir Idée générale de la Révolution au xixe siècle, où la contradiction entre le régime politique et le régime économique est démontrée. — Paris, Garnier frères, 1851.