Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dépendent de causes d’une simplicité naïve. La foi ne nous apprend point à juger les choses avec ce discernement vulgaire : c’est que la foi, ainsi que Dieu dont elle est un don, ne raisonne pas.

La détermination que je viens de faire des partis, de leurs principes et de leurs tendances, est vraie, parce qu’elle est nécessaire et universelle, commune à tous les siècles et à tous les peuples, quelle que soit la variété des partis, leurs origines, leurs intérêts, leur but : elle est vraie, parce qu’elle ne peut pas ne pas être vraie.

C’est l’expression des aspects les plus généraux de l’histoire et des attractions primitives de la société. La société, être vivant et perfectible, qui se développe dans le temps, à l’opposite de Dieu, que nous supposons immobile dans l’éternité, a nécessairement deux pôles, l’un qui regarde le passé, l’autre tourné vers l’avenir. Dans la société, où les idées et les opinions se divisent et se classent comme les tempéraments et les intérêts, il y a donc aussi deux partis principaux : le parti absolutiste, qui s’efforce de conserver et de reconstruire le passé, et le parti socialiste, qui tend incessamment à dégager et à produire l’avenir.

Mais la société, en vertu de la raison analytique dont l’homme est doué, oscille et dévie continuellement à droite et à gauche de la ligne du progrès, suivant la diversité des passions qui lui servent de moteurs. Il y a donc aussi, entre les deux partis extrêmes, deux partis moyens, en termes parlementaires, un centre droit et un centre gauche, qui pousse ou retient incessamment la Révolution hors de sa voie.

Tout cela est d’une évidence presque mathématique, d’une certitude expérimentale. Telle est l’exactitude de cette topographie, qu’il suffit d’y jeter les yeux pour avoir aussitôt la clef de toutes les évolutions et rétrogradations de l’humanité.