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absolutistes et doctrinaires, n’en acceptent sans réserve les propositions rigoureuses. Dès qu’elle se pose dans la vérité et l’intégralité de sa nature, antithétique à toute église, à toute autorité, à tout capitalisme, à toute fiction légale, la peur saisit les intelligences : ceux qu’on appelait jadis radicaux et exaltés se voilent la face, et l’on ne sait lesquels lui sont le plus hostiles, des jésuites ou des jacobins.

C’est qu’en effet la révolution au xixe siècle n’a pris naissance dans le giron d’aucune secte ; elle n’est le développement d’aucun principe spéculatif, la consécration d’aucun intérêt de corporation et de classe. La révolution est la synthèse fatale de tous les mouvements antérieurs, en religion, philosophie, politique, économie sociale, etc. Elle existe, comme les éléments qu’elle combine, par elle-même ; elle ne vient, à vrai dire, ni d’en-haut, ni d’en-bas ; elle résulte de l’épuisement des principes, de l’opposition des idées, du conflit des intérêts, des contradictions de la politique, de l’antagonisme des préjugés, de tout ce qui, en un mot, semble le plus capable de donner l’idée d’un chaos moral et intellectuel. Véritable génération spontanée, produit de la déjection des siècles, que tout le monde sent venir, mais qu’aucun n’affirme ; qui, par cela même qu’elle se présente comme conciliation des contraires, équilibre des forces, union des intérêts, se voit rejetée de tous, et déjà, orpheline de naissance, peut s’appliquer la parole du Psalmiste : Mon père et ma mère m’ont abandonnée : mais l’Éternel m’a prise sous sa protection !

Oui, un Dieu protège la révolution nouvelle. Mais quel Dieu ? l’héroïsme du peuple ? le dévouement de la bourgeoisie ? la furie française ? une illumination soudaine du pouvoir ? Non. La puissance qui préside à nos destinées se sert de moyens plus simples : vous ne verrez ni conversions ni miracles. Déception de la politique, et vanité de la sagesse humaine ! ce qui assure le triomphe de la cause révo-