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collègues, qui tous, dit-on, répugnaient à sortir des voies parlementaires, avec Pilhes et Langlois, mes deux amis et collaborateurs, la victime innocente de cette fatale imprudence. Mon étoile et M. Carlier en ont disposé autrement. Or, ce qui serait vrai de moi aujourd’hui, l’est, à plus forte raison peut-être, de tous les accusés de Versailles, comparants et contumaces. Il n’en est pas un, quoi qu’on ait dit, quelque vanterie qui ait été faite, que le Gouvernement puisse accuser d’avoir pris part à une insurrection. La Constitution était violée. La conscience publique protestait, par la bouche des Montagnards : il fallait, pour l’honneur du pays, qu’ils protestassent. Derrière eux, une multitude de citoyens manifestaient leur opinion. Mais, dans l’ignorance où l’on était généralement du droit républicain ; incertains de ce qui, dans une manifestation de cette nature, pouvait paraître légal ou extralégal ; négligeant les précautions, disons mieux, les formalités les plus indispensables ; après avoir laissé répandre le doute, ne rencontrant plus que l’hésitation, ces mêmes citoyens, qui s’étaient levés pour la défense du droit, ne furent plus que les compères de la police ; ils peuvent se vanter d’avoir servi la République et protégé la Constitution comme s’ils eussent été des mouchards !... Doctrinaires et jacobins se sont de tout temps perdus, les uns après les autres, à la poursuite du gouvernement. L’esprit de vie s’est retiré d’eux : ce ne sont plus des partis, ce sont des hommes.

Le 13 juin n’en a pas moins créé au pouvoir de mortels embarras.

Vainqueur cette fois encore de la démocratie socialiste, c’est à lui maintenant d’opérer la réforme économique, promise par la Révolution de février. La victoire du 13 juin a été pour le parti de l’ordre une mise en demeure. Si le gouvernement ne fait rien, il tombe ; s’il fait quelque chose, il abdique, car il ne peut rien faire que contre le capital et