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de la République, à laquelle Ledru-Rollin s’était, en décembre, porté candidat, n’aurait-elle pas suffi aux exigences du parti, et quelle nécessité de la convertir en une dictature ?...

De pareilles questions ne se discutent pas : les poser, c’est les résoudre. Le Peuple, en insistant sur la constitutionnalité du parti démocratique et social, dans la prévision d’un revirement politique, servait mieux les intérêts de la Montagne qu’elle n’avait fait elle-même depuis un an. Le refus d’accepter, sans arrière-pensée, la Constitution, alors que de cette acceptation des Montagnards dépendait l’adjonction au parti de la plus grande partie des bourgeois, était aussi dépourvu de raison que de politique. C’était une trahison envers le socialisme et le prolétariat, un crime contre la Révolution.

Dira-t-on que j’exagère à dessein les conséquences d’une autorité dictatoriale, pour me donner le plaisir d’en démontrer ensuite l’absurdité ; qu’il n’a jamais été question, dans le parti jacobin, d’abroger de plein saut toutes les lois, de déposséder les citoyens, de déplacer les fortunes, de transposer et intervertir, avec les idées, les hommes et les choses ?

Oh ! je sais à merveille que le néo-jacobinisme est fort peu socialiste, si peu que rien ! je sais que, la victoire remportée, on se proposait de jeter la question sociale par-dessus le bord, comme fit autrefois Robespierre, et de créer au peuple de telles distractions, que, sauf le ministère du progrès, demandé par Louis Blanc, sauf les quelques millions de crédit jetés à Considérant et aux sociétés ouvrières, on n’aurait pas eu le temps de songer à l’organisation du travail. La réaction était prête, et contre les modérés et contre les socialistes, comme en mars, avril, mai et juin 1848.

Mais je sais aussi que ces fins politiques comptaient, comme l’on dit, sans leur hôte, ce terrible hôte qui s’appelle