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Tant que les deux termes opposés du mouvement, ou les partis qui les représentent, ne se seront pas compris, ils se feront la guerre ; ils se diront, comme Ajax à Ulysse : Enlève-moi ou je t’enlève ! Le jour où se fera leur mutuelle reconnaissance, ils ne tarderont pas à s’identifier et se fondre.

Le catholicisme a posé le problème : le socialisme prétend le résoudre. Le premier a fourni la symbolique de l’humanité ; au second d’en donner l’exégèse. Cette évolution est inévitable, fatale.

Mais, nous l’avons dit : les révolutions de l’humanité ne s’accomplissent point avec cette placidité philosophique ; les peuples ne reçoivent la science qu’à contre-cœur ; et puis, l’humanité n’est-elle pas libre ? Il s’élève donc, à chaque tentative de progrès, une tempête de contradictions, des oppositions et des luttes qui, sous l’impulsion d’une fureur divine, au lieu de se résoudre amiablement par des transactions, aboutissent à des catastrophes.

Il résulte de ces agitations et tiraillements que la société ne parcourt point la série de ses destinées sur un plan régulier et par un droit chemin ; elle s’écarte tantôt à droite, tantôt à gauche, comme attirée et repoussée par des forces contraires : et ce sont ces oscillations, combinées avec les attaques du socialisme et les résistances de l’absolutisme, qui produisent les péripéties du drame social.

Ainsi, tandis que le mouvement direct de la société donne lieu à deux partis contraires, l’absolutisme et le socialisme, le mouvement oscillatoire produit à son tour deux autres partis, hostiles entre eux et aux deux autres, que j’appellerai, de leurs noms historiques, le premier, juste-milieu ou doctrine, le second, démagogie, jacobinisme ou radicalisme.

Le juste-milieu, connu des philosophes sous le nom d’éclectisme, vient de cette disposition d’esprit égoïste et pa-