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tout dire par un seul mot, la révolution de 93 ne s’adressait qu’à des prérogatives de caste ; en 1849, elle touche à la prérogative de l’individu même, à ce qui constitue dans la société moderne l’homme et le citoyen, la propriété.

Je regrette sincèrement, pour les semi-socialistes, d’avoir sans cesse à leur rappeler cette considération, qui les fait murmurer. Mais il faut qu’ils en prennent leur parti : il n’y a pas de réforme sociale possible, pas de garantie du travail, pas d’assistance publique, pas d’instruction gratuite, de circulation gratuite, d’émancipation du prolétariat, d’extirpation de la misère, sans une transformation radicale, de quelque façon d’ailleurs que cette transformation doive s’opérer, de la propriété.

Qu’était-ce donc , après tout , que la révolution de 89 ? — Une assurance générale des propriétés du tiers état, contre les avanies du privilége féodal.

Qu’est-ce que la révolution de 1848 ? — Une assurance générale du travail, contre les abus de la propriété.

Que de soi-disant républicains me maudissent, que les plagiaires du vieux jacobinisme me dénoncent au tribunal révolutionnaire, ils ne m’empêcheront pas de répéter ce que je sais et qu’on ne réfutera pas, ce qu’il est de mon devoir de dire bien haut, afin que le peuple se tienne sur ses gardes et me désavoue si je suis dans l’erreur, ou qu’il m’appuie si je suis dans la vérité : c’est que révolution sociale, droit au travail, crédit gratuit, impôt progressif, impôt sur le capital comme sur le revenu, et perpétuité de la propriété — dans sa forme actuelle, — sont tous termes qui impliquent contradiction. La question, pour ceux qui ont étudié la matière, n’est plus de savoir comment on peut accorder la propriété, telle qu’elle est, avec l’extinction du prolétariat ; mais comment il est possible d’abolir le prolétariat, et par suite de transformer la propriété, sans faire tort aux propriétaires, sans désorganiser la société.