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la Constitution, protester, en termes énergiques, du respect de son parti pour cette Constitution ! Élu de cinq départements, Ledru-Rollin devenait à l’instant l’homme de la France entière.

Je ne répéterai pas ici ce qui fut dit dans le Peuple, après les élections du 13 mai, sur la nécessité, pour la démocratie socialiste, de se présenter au pays comme parti d’ordre et de Constitution : l’événement a prononcé à cet égard, et d’une façon douloureuse. Au lieu de voir dans cette tactique une prise de possession, les jacobins y virent une reculade. Pour avoir indiqué que la conséquence de la mise en accusation de Louis Bonaparte et de ses ministres était de porter à la présidence Ledru-Rollin, candidat du 10 décembre, maintenant chef de l’opposition, le Peuple fut, par les uns, soupçonné de tendre un piège à l’orateur montagnard, par les autres, accusé de lui faire servilement la cour. Tant il y avait alors d’aveuglement dans les esprits ! Nous avions trop raison pour être écoutés : la Révolution allait à ses fins toute seule.

Mais ce qui n’a pas été dit, ce qu’il importe aujourd’hui plus que jamais de faire connaître, ce sont les motifs d’économie sociale qui nous dirigeaient. Le parti conservateur n’est pas si fortement établi qu’il ne puisse d’un jour à l’autre tomber du pouvoir, et laisser le gouvernement de la République à ses adversaires. Que dis-je ? S’il est vrai, comme nous en avons vu tant d’exemples depuis février, que les idées mènent le monde, en vertu du principe que les extrêmes se touchent, il faudrait regarder encore comme probable, comme prochaine, l’arrivée de la Montagne au gouvernement. Quelle serait alors la politique des démocrates ? le pays a le droit de le demander. La situation pouvant donc se retrouver dans six mois ce qu’elle était il y a six mois, nous allons reprendre la discussion telle que nous l’eussions développée après le 13 mai, si la pression des