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son inviolable prérogative, que pour faire jouir le peuple romain, sous un gouvernement saint et paternel, d’une sage et honnête liberté. Le gouvernement n’entendait pas confondre, comme le lui reprochait Ledru-Rollin, il voulait concilier les deux pouvoirs spirituel et temporel, de la même manière qu’il avait prétendu concilier déjà, par la Charte de 1830, la monarchie et la liberté.

Ainsi, sous la forme d’une papauté constitutionnelle, faisant pendant à cette royauté constitutionnelle trois fois renversée par ceux-là mêmes qui l’avaient créée, les ministres de Louis Bonaparte se chargeaient de résoudre un problème que la philosophie a dès longtemps déclaré insoluble ; ils refaisaient au nom du pape, et malgré le pape, le livre de cet abbé philosophe, de l’Accord de la Raison avec la Foi, livre duquel il résulte précisément, contre l’intention de l’auteur, que la Foi et la Raison sont à jamais inaccordables. Ce que les doctrinaires allaient essayer à Rome, c’était ce que, depuis soixante ans, la Révolution avait démontré impossible, l’union de l’autorité et de la liberté, quelque chose comme la quadrature du cercle et le mouvement perpétuel !

On reconnaît à cette politique d’autant d’illusion que de bonne foi l’esprit du juste-milieu, prenant sans cesse un raccommodement pour une conciliation, et qui, par la peur des extrêmes, se condamne fatalement à l’inertie ou se rejette dans l’antagonisme. Ce que cherche l’éclectique en philosophie, le doctrinaire a la prétention de le produire en politique : tant il est vrai que les actes humains ne sont que la traduction des idées !

Vous demandez à l’éclectique : Êtes-vous matérialiste ? — Non, répond-il.

Spiritualiste ? — Pas davantage.

Quoi donc ? réaliste ? — Dieu m’en garde !

Idéaliste ? — Je distingue.