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le lendemain, compléta la pensée de l’opposition, en appelant dès ce moment les citoyens, si l’Assemblée adoptait le projet de loi, à la résistance.

Comme la question de résistance légale est de la plus haute gravité, qu’elle fait partie du droit républicain, que chaque jour l’arbitraire du pouvoir et de la majorité parlementaire la ramène, et que bien des gens la confondent avec le droit à l’insurrection reconnu par la Déclaration de 1793, je vais, avant de rendre raison de la politique suivie par le Peuple en cette circonstance, résumer en quelques mots les vrais principes.

Qu’est-ce que le droit à l’insurrection ?

Que faut-il entendre par résistance légale ?

En quels cas l’un ou l’autre peut-il s’appliquer ?

S’il était possible que le gouvernement eût vraiment souci de l’ordre, qu’il respectât la liberté et recherchât moins l’arbitraire, il s’empresserait de traiter officiellement ces questions : il n’abandonnerait pas cette tâche à un journaliste. Mais le gouvernement hait par-dessus tout les questions légales, et les étouffe tant qu’il peut. Ce qui l’occupe, c’est de poursuivre les auteurs, imprimeurs, crieurs, colporteurs, afficheurs : c’est pour eux qu’il réserve ses instructions et circulaires.

J’observe d’abord que les droits d’insurrection et de résistance sont propres à la période de subordination et d’antagonisme : ils tombent en désuétude avec la pratique de la liberté. Dans une démocratie organisée sur la base de l’initiative populaire, à foyers multiples et sans autorité supérieure, il ne saurait y avoir lieu à l’exercice de pareils droits. Déjà, par l’établissement du suffrage universel, la Constitution de 1790 avait infirmé, tout en le reconnaissant implicitement, le droit d’insurrection. Le despotisme impérial, les Chartes de 1814 et 1830, le cens à 200 francs, supprimant l’intervention des masses dans les affaires publiques,