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personne royale, déterminées par la loi de 1819, n’existant pas pour lui, je ne pouvais être cité en justice que sur la plainte du Président que j’aurais offensé, non poursuivi d’office par le ministère public, qui n’avait point à se mêler d’une querelle entre particuliers. Ainsi, ce n’était plus un délit politique qu’on pouvait m’imputer, mais bien une simple offense ou diffamation toute personnelle. Sur ce terrain, je n’avais rien à craindre. Je n’avais point attaqué Louis Bonaparte dans sa vie privée ; j’avais parlé uniquement des actes de son pouvoir. Devant la Constitution et devant la loi, ma position était inexpugnable. On le sentait si bien, que plus tard, lors de la discussion de la dernière loi sur la presse, on crut devoir, par une disposition spéciale, attribuer au ministère public la poursuite des offenses commises par la voie de la presse contre le Président.

Mais pour les casuistes du parquet, cette difficulté, qui me semblait, à moi, logicien scrupuleux, insurmontable, n’était qu’une bagatelle. À mon extrême surprise, je me vis accusé, pour un pamphlet où il n’était question que du Président de la République,

1o D’excitation à la haine du gouvernement ;

2o De provocation à la guerre civile ;

3o D’attaque à la Constitution et à la propriété !

S’il avait plu à M. Meynard de Franc de me charger encore, à propos d’un article du Peuple sur Louis Bonaparte, des crimes d’infanticide, de viol ou de fausse monnaie, il le pouvait ; l’accusation aurait passé tout entière : il n’y avait pas de raison pour que je ne fusse aussi bien, aussi judicieusement condamné. Sur son honneur et sa conscience, devant Dieu et devant les hommes, à la majorité de huit contre quatre, le jury me déclara coupable de tout ce qu’on voulut, et j’en eus pour mes trois ans. Vous demandez, candides lecteurs, comment il est possible d’accorder l’honneur et la conscience avec l’arbitraire d’une pareille accu-