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verne les Républiques, comme dit Bossuet ; et c’était envers l’Humanité que je me rendais sacrilége ! J’en suis puni : Meâ culpâ !

Franchement, je n’eusse pas demandé mieux, avant le 10 décembre, que de me rallier à la candidature de Louis Bonaparte, et après le 10 décembre, que d’appuyer son gouvernement s’il avait su me dire par quelle cause, au nom de quel principe, en vertu de quelle nécessité historique, politique ou sociale, il avait été fait président de la République, plutôt que Cavaignac, plutôt que Ledru-Rollin. Mais les gouvernants laissent tout à deviner aux gouvernés ; et plus j’y pensais, plus, malgré ma bonne volonté, je devenais perplexe. Absorbé dans mes réflexions, je crus un jour avoir trouvé la solution que je cherchais dans ces paroles prophétiques de Mirabeau, rappelées par Chateaubriand dans une circonstance qui n’était pas sans analogie avec le 10 décembre 1848, je veux parler du sacre de l’empereur, 5 décembre 1804 : « Nous donnons un nouvel exemple de cette aveugle et mobile inconsidération qui nous a conduits d’âge en âge à toutes les crises qui nous ont successivement affligés. Il semble que nos yeux ne puissent être dessillés, et que nous ayons résolu d’être, jusqu’à la consommation des siècles, des enfants quelquefois mutins et toujours querelleurs. »

La papillonne ! aurait dit Fourier. Est-ce là une cause ? est-ce un principe ? est-ce une nécessité ? Ô Providence ! tu as vaincu ; tes voies sont impénétrables !

Enfin, Louis Bonaparte a parlé : il s’est révélé lui-même ; mais le monde ne l’a pas encore compris.

La France, a-t-il dit, je ne sais plus à quel propos, je ne sais plus quand, je ne sais plus où, la France m’a élu parce que je ne suis d’aucun parti !... Traduisez : La France m’a élu parce qu’elle ne veut plus de gouvernement.

Oui, la France a nommé Louis Bonaparte Président de la