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N’est-il pas vrai que l’armée est la chose propre du Gouvernement ? qu’elle appartient, n’en déplaise aux fictions constitutionnelles, bien moins au pays qu’à l’État ? Autrefois, l’état-major de l’armée était proprement la Maison du Roi ; sous l’empire, la réunion des corps d’élite portait le nom de garde impériale, jeune et vieille. C’est le Gouvernement qui, chaque année, prend quatre-vingt mille recrues, non le pays qui les donne ; — c’est le Pouvoir qui, pour sa politique personnelle, et pour faire respecter ses volontés, nomme les chefs, ordonne les mouvements de troupes, en même temps qu’il désarme les gardes nationaux ; non la nation qui s’armant spontanément pour sa défense dispose de la force publique, du plus pur de son sang. Là encore l’ordre social est compromis, et pourquoi ? parce que, d’un côté, la centralisation militaire ne relevant pas du peuple, existant hors du peuple, n’est qu’un pur despotisme ; d’autre part, parce que le ministère de la guerre, tout indépendant qu’il soit des autres ministères, n’en est pas moins une prérogative du Pouvoir exécutif, lequel ne reconnaît qu’un chef, le Président.

Le peuple a l’instinct confus de cette anomalie quand, à chaque révolution, il insiste pour l’éloignement des troupes ; quand il demande une loi sur le recrutement militaire, l’organisation de la garde nationale et de l’armée. Et les auteurs de la Constitution ont entrevu le péril, quand ils ont dit, art 50 : Le président de la République dispose de la force armée, sans pouvoir jamais la commander en personne. Prudents législateurs, en vérité ! Et qu’importe qu’il ne la commande pas en personne, s’il en dispose, s’il peut l’envoyer où bon lui semble, à Rome ou à Mogador ? si c’est lui qui donne les commandements, qui nomme aux grades, qui décerne les croix et pensions ? s’il a des généraux qui commandent pour lui ?

C’est aux citoyens à désigner hiérarchiquement leurs