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ne tend qu’à rétrograder. Où voulez-vous qu’il aille, en effet, avec son principe constitutif, la séparation des pouvoirs ? À une division de plus en plus grande ? ce serait aller à sa perte. Au point de vue des constitutions politiques, la présidence quadriennale et l’unité de la représentation nationale, loin d’être un progrès, sont déjà une dégénérescence du système. La véritable formule du régime constitutionnel, c’est la Charte de 1830, comme la perfection du gouvernement est le pouvoir absolu. Veut-on revenir à la monarchie de Juillet ? veut-on rétrograder jusqu’à Louis XIV, car ce n’est qu’en ce sens que le pouvoir peut progresser ? Que celui qui n’en a point assez le dise !

Le suffrage universel ! Mais comment aurais-je pu en tenir compte, dans une Constitution qui s’était réservé, avec les moyens de le faire mentir, celui même de le restreindre ? C’est en établissant des indignités électorales que la Constitution a ouvert la porte à la du 31 mai ; et quant à la véracité du suffrage universel, à l’authenticité de ses décisions, quel rapport entre le produit élastique d’un scrutin, et la pensée populaire, synthétique et indivisible ? Comment le suffrage universel parviendrait-il à manifester la pensée, la vraie pensée du peuple, quand le peuple est divisé, par l’inégalité des fortunes, en classes subordonnées les unes aux autres, votant par servilité ou par haine ; quand ce même peuple, tenu en laisse par le pouvoir, ne peut, malgré sa souveraineté, faire entendre sa pensée sur rien ; quand l’exercice de ses droits se borne à choisir, tous les trois ou quatre ans, ses chefs et ses charlatans ; quand sa raison, façonnée sur l’antagonisme des idées et des intérêts, ne sait aller que d’une contradiction à une autre contradiction ; quand sa bonne foi est à la merci d’une dépêche télégraphique, d’un événement imprévu, d’une question captieuse ; quand, au lieu d’interroger sa conscience, on évoque ses souvenirs ; quand, par la division