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tions d’humanité, de modération, de respect de l’opinion, etc., qui gouvernent les individus. Si donc l’unité des pouvoirs, soit l’absence de constitution politique, n’a d’autre effet que d’absorber les pouvoirs d’un président responsable dans les pouvoirs d’une majorité irresponsable, les conditions du gouvernement restant d’ailleurs les mêmes, qu’aura-t-on avancé ? Ne vaut-il pas mieux diviser l’autorité, faire de l’un des pouvoirs le contrôleur de l’autre, rendre la liberté d’action à l’exécutif, en lui donnant pour contrepoids le contrôle du législatif ? Donc, ou la séparation des pouvoirs, ou l’absolutisme du pouvoir : le dilemne est inévitable.

À cette argumentation, la démocratie n’a jamais rien répondu de sérieux. Sans doute, comme l’ont très bien observé les critiques, la division de l’autorité en deux pouvoirs, est la source de tous ces conflits qui, depuis 60 ans, tourmentent notre pays, et non, moins que le despotisme, le poussent aux révolutions. Mais cela ne détruit pas l’objection fondamentale que, hors la séparation des pouvoirs, il n’y a que le gouvernement absolu, et que la retrancher de la République, c’est constituer à perpétuité la dictature.

Aussi la République démocratique, la République sans distinction de pouvoirs, n’a-t-elle jamais paru aux esprits non prévenus qu’une contradiction dans les termes, un véritable escamotage de la liberté. Et j’avoue, pour ma part, qu’étant donnée l’hypothèse d’une centralisation où toutes les facultés sociales convergent en un centre unique, initiateur et dominateur souverain, je préfère, de beaucoup, au gouvernement absolu et irresponsable d’une convention, le gouvernement séparé et responsable d’une présidence contrôlée par une assemblée, et au gouvernement d’une présidence élective, celui d’une royauté constitutionnelle. Quel que soit le Gouvernement à diviser, monarchie ou sénat, la séparation des pouvoirs est le premier pas vers la constitution sociale.