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la séparation des pouvoirs. À cette époque, comme au temps de Philippe-le-Bel et de Boniface VIII, on n’en pouvait connaître que deux, le spirituel et le temporel. On saisit la distinction : à côté du Pontife parut le Roi. Ce ne fut pas sans protestation, ou pour parler le langage du temps, sans une révélation menaçante du sacerdoce.

« Voici quel sera le statut royal, » la Constitution du gouvernement, avait dit Samuel, lorsque les délégués du peuple vinrent le sommer de leur sacrer un roi. Remarquez cela : c’est le prêtre qui donne l’investiture au roi ; chez tous les peuples, même en révolte contre le sacerdoce, le pouvoir est de droit divin. « Il prendra vos fils pour en faire des conscrits, et vos filles pour en faire des cantinières et des femmes de chambre. Et quand il se sera fait une force, il mettra des impôts sur les personnes, sur les maisons, les meubles, les terres, le vin, le sel, la viande, les marchandises, etc., afin d’entretenir ses soldats, de payer ses employés et ses maîtresses.

« Et vous serez ses serviteurs. »

C’est en ces termes que Samuel, le successeur de Moïse, exposait la future constitution politique ; et tous nos publicistes, depuis l’abbé Syeyès jusqu’à M. de Cormenin, sont d’accord avec lui. Mais que pouvait une critique anticipée contre la nécessité du moment ? Le sacerdoce avait mal servi l’ordre ; on l’éliminait ; c’était justice. Si le nouveau gouvernement se montrait infidèle ou incapable, on le traiterait de même, jusqu’à ce qu’on fût arrivé à la liberté et au bien-être ; mais on ne reviendrait point en arrière : voilà l’argument de toutes les révolutions. D’ailleurs, les convoitises du jour, d’accord avec les besoins de l’époque, bien loin de s’effrayer des sinistres avertissements du prêtre, y trouvaient leurs plus ardentes excitations. La constitution politique, en effet, c’est-à-dire la royauté, n’était-ce pas, d’abord, l’impôt, et par conséquent des honneurs et des si-