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Ces deux constitutions, comme il est facile de le voir, sont de nature absolument diverse et même incompatible : mais, comme il est dans la destinée de la Constitution politique de provoquer et de produire incessamment la Constitution sociale, toujours quelque chose de celle-ci se glisse et se pose dans celle-là, qui, bientôt, rendue insuffisante, paraissant contradictoire et odieuse, se trouve poussée de concession en concession à une abrogation définitive.

C’est à ce point de vue que nous allons apprécier la théorie générale des Constitutions politiques, réservant pour un autre temps l’étude de la Constitution sociale.

Au commencement, l’idée politique est vague et indéfinie ; elle se réduit à la notion d’Autorité. Dans la haute antiquité, où le législateur parle toujours au nom de Dieu, l’Autorité est immense ; la détermination constitutionnelle à peu près nulle. Il n’y a rien dans tout le Pentateuque qui ressemble, de près ou de loin, à une Séparation des pouvoirs, à plus forte raison à des lois prétendues organiques, ayant pour objet de définir les attributions des pouvoirs, et de mettre en jeu le système. Moïse n’avait aucune idée d’un premier pouvoir, dit législatif ; d’un second, exécutif ; et d’un troisième, bâtard des deux autres, ordre judiciaire. Les conflits d’attributions et de juridictions ne lui avaient point révélé la nécessité d’un Conseil d’État ; encore moins les dissensions politiques, résultat inévitable de la mécanique constitutionnelle, lui avaient-elles fait sentir l’importance d’une haute cour. L’idée constitutionnelle était restée lettre close pour le Prophète : ce n’est qu’après quatre siècles de résistance du peuple à la Loi qu’on vit cette idée pour la première fois apparaître en Israël, et cela précisément afin de motiver l’élection du premier roi. Le gouvernement mosaïque avait été trouvé faible ; on voulut le fortifier : ce fut une révolution. Pour la première fois, l’idée constitutionnelle se manifesta dans son véritable caractère,