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Cette politique, au point de vue de l’intérêt de parti, était sans contredit la plus sage ; car, ou le socialisme, livré à lui-même, périrait bientôt par la contradiction, le ridicule et l’impraticabilité de ses utopies ; et alors la Montagne, non compromise, ressaisissait l’influence. Ou bien le Socialisme parviendrait à s’établir d’une manière pratique et positive ; et, dans ce cas, la Montagne conservait encore son initiative en le prenant sous sa protection. Elle n’avait pas l’honneur de la découverte, il est vrai ; mais elle avait l’avantage, bien autrement important pour un corps politique, de la certitude. Du reste, rien ne l’obligeait à manifester envers le parti socialiste ni malveillance ni sympathie : il lui suffisait de rester neutre.

L’impatience du néo-jacobinisme ne pouvait s’accommoder de cette prudence. On fit comme d’habitude : on prit une résolution, dictée, ce semble, par la sagesse, mais qui accusait l’impuissance la plus déplorable. On voulut avoir un socialisme à soi, faire le triage des utopies en vogue, et l’on aboutit, chose facile à prévoir, à un juste-milieu.

Qu’on n’essaye pas de le nier : la Montagne, faisant, sans le savoir, de l’éclectisme démocratique et social, devenait tout simplement doctrinaire. Son prétendu socialisme, qu’il ne tint pas à moi d’empêcher, ne fut qu’une philanthropie mensongère dont la bonne intention couvrait à peine la stérilité. C’est ce que les montagnards auraient bien vite aperçu, si l’espoir gouvernemental qu’ils nourrissaient ne leur eût fait complétement illusion.

La révolution sociale est le but, avaient-ils dit longtemps avant février ; la révolution politique est le moyen. Donc, concluaient-ils, c’est à nous, qui sommes avant tout des hommes politiques ; à nous, qui continuons la tradition de 93, et qui avons fait la République en février, de fonder le vrai socialisme par l’initiative du gouvernement ; à nous d’absorber dans notre synthèse toutes les écoles divergentes,