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pas de système, que leur politique se renfermerait dans ses souvenirs et se bornerait à pourchasser le gouvernement, ils restaient convaincus, par leurs propres actes, de n’être que des doctrinaires déguisés, et leurs déclamations tombaient par leur insignifiance.

On peut dire qu’à ce moment la direction des esprits était au premier occupant. Pas n’était besoin d’une haute politique, ni de longs discours. Il suffisait de se montrer, de tenir tête à la réaction, pour avoir derrière soi la masse. La moindre opposition, même légale et pacifique, était citée comme trait d’audace : il y avait tout profit à suivre cette marche. Le succès fut si complet, qu’on fut tout surpris un jour, à l’Assemblée nationale, d’entendre le ministre Dufaure rendre témoignage à l’esprit d’ordre, de paix, de loyale discussion, qui animait les banquets socialistes. J’y gagnai, pour mon compte, de devenir suspect aux montagnards, scandalisés de me voir si bien avec le gouvernement. Cette suspicion me poursuit encore.

Le socialisme avait représenté la Révolution aux élections de juin : il fit les élections du 17 septembre. Quand tout se réunissait pour l’écraser, 70,000 hommes se levaient à son appel pour protester contre la victoire de juin, et nommait Raspail représentant. C’est dans les bureaux du Peuple que le comité électoral démocratique tint ses séances. Contre une réaction immodérée, la démocratie prenait pour drapeau son organe le plus énergique. La Montagne, dans cette éclatante manifestation du Socialisme, ne figura que comme alliée.

De ce moment, il fut avéré pour tout le monde que la situation politique était changée. La question n’était plus entre la monarchie et la démocratie, mais bien entre le travail et le capital. Les idées sociales, si longtemps dédaignées, étaient une force : par cette raison, tandis qu’elles soulevaient la haine de ceux-ci, elles devaient exciter l’am-