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de l’impôt, réclamée par le bon sens populaire, est pour lui la pierre philosophale. Le Comité des finances est systématiquement opposé à toute innovation en matière de crédit public : tout papier de circulation, quel qu’en soit le gage, est invariablement pour lui un assignat ; comme si le billet de banque, dont le gage spécial est l’argent, comme si l’argent lui-même n’était pas assignat ! Il suffirait, en effet, de décupler ou centupler la masse du numéraire, pour que, l’argent étant réduit, par son abondance même, au dixième ou au centième de sa valeur, les billets de banque perdissent immédiatement crédit. Or il n’en serait pas autrement de 50 milliards de billets hypothéqués sur une valeur double ou triple de propriétés : les propriétés pourraient garder leur valeur, que les billets n’en auraient aucune. Qu’est-ce donc qui constitue le papier de crédit, et qui le distingue de l’assignat ? Qu’est-ce qui fait que l’argent lui-même, accepté en tout paiement, est le signe de toutes les valeurs ? Le Comité des finances l’ignore.

Le Comité des finances ne connaît qu’une chose : s’opposer à toute innovation. Car, comme il ne sait pas mieux la raison de ce qui existe que la raison de ce qui pourrait être, il lui semble toujours que le monde va crouler : il est comme un homme qui verrait à travers son corps le jeu de ses organes, et qui tremblerait à chaque instant de les voir rompre. Si le Comité des finances avait vécu du temps de Sésostris, il aurait arrêté l’humanité à la civilisation égyptienne. Non seulement il ne fait rien ; il ne permet pas que les autres pensent, il ne supporte pas qu’on discute le statu quo, fût-ce même pour le conserver. M. Thiers est le philosophe de cet immobilisme, M. Léon Faucher en est le fanatique. Le premier se contente de nier le mouvement ; le second ferait brûler, s’il pouvait, ceux qui l’affirment. M. Thiers, mystifié autant que M. Guizot, par la Révolution de février, regrettant peut-être de ne s’être pas immédiate-