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compétence, et rendit en ma faveur un verdict d’acquittement.

Tandis que, seul de mon école, je creusais la tranchée dans le glacis de la vieille économie politique ; tandis que P. Leroux, Villegardelle, Vidal, et quelques autres suivaient, dans des directions peu différentes, cette marche savante de démolition, que faisaient les organes de la démocratie ? Ce qu’ils faisaient ? Hélas ! qu’ils me permettent de le leur rappeler, afin que les socialistes ne portent pas seuls la responsabilité des malheurs de la République : ils se livraient à leurs préoccupations parlementaires ; écartant avec obstination, de peur d’effrayer leurs abonnés, les questions sociales, ils préparaient la mystification de février ; ils organisaient par cette négligence volontaire les ateliers nationaux ; ils minutaient les décrets du Gouvernement provisoire, et jetaient, sans le savoir, les fondements de la république honnête et modérée. Le National, je ne lui en veux plus, maudissant le socialisme, faisait voter les fortifications de Paris ; la Réforme, forte de ses bonnes intentions, s’en tenait au suffrage universel et au gouvemementalisme de Louis Blanc. On laissait croître l’utopie, quand il eût fallu l’arracher en herbe ; on dédaignait des écoles qui devaient embraser un jour le pays, et, par leurs aspirations au pouvoir, faire rétrograder la République. Il n’a pas moins fallu que l’expérience de février pour convaincre nos hommes d’État qu’une révolution ne s’arrête ni ne s’improvise : je ne répondrais pas cependant qu’ils ne soient encore à accuser, avec M. Lamartine, le socialisme de leur déroute. Quel dommage, en vérité, pour la gloire de ces messieurs, que le peuple, après avoir résigné ses pouvoirs entre leurs mains, ait cru devoir leur demander des arrhes !

Cependant il ne suffit pas que la critique démolisse, il faut qu’elle affirme et reconstruise. Sans cela, le socialisme resterait un objet de pure curiosité, alarmant pour la bour-